Premier pas en service de réanimation
J'ai terminé la note précédente sur une note de suspense. Il est crucial pour moi de consacrer un message entier à ma première expérience en salle de réanimation, une situation que j'aurais préféré éviter. Rédiger ce petit article me permet d'exprimer et de partager tous les sentiments négatifs que j'ai enfouis pendant un an. Garder une trace écrite m’aide à ne pas oublier cette expérience, déjà altérée par le temps qui a filé si vite. Je vais décrire la scène en détail, peut-être de manière crue, donc je préviens les personnes souffrant de nosocomephobie (phobie des hôpitaux).
Après l’ouverture des portes, je suis enfin entré dans le service, une boule au ventre qui s’alourdissait à chaque pas. Les regards curieux que je jetais dans les chambres de malades inconnus n’ont fait qu’accentuer mon anxiété, alors que j’essayais de me faire une idée de l’état de Tina. Cette curiosité ne m’a pas été d’une grande aide, car il n’y avait pas grand-chose à voir, à part des machines étranges émettant des bips plus ou moins réguliers. Quelques secondes de marche ont suffi pour arriver devant la chambre, où je pouvais apercevoir un bout du lit. La pression était difficilement soutenable et, après m’être désinfecté les mains, il était enfin temps d’entrer.
En un instant, j'ai été submergé par une quantité d'informations qui m'ont totalement figé sur place. La pièce mesurait environ 25 mètres carrés, dont plus de la moitié était dédiée à la survie d'une seule personne. L'autre moitié était réservée à la circulation et à quelques chaises. Le lit était positionné contre un mur, entouré de trois machines différentes : une pour les médicaments avec de grosses seringues reliées à une perfusion, une autre pour enregistrer diverses données telles que le battement du cœur et le niveau d’oxygène, et enfin, la plus imposante, qui aidait Tina à respirer grâce à un tube directement inséré dans sa bouche. Tina était sur le lit, complètement endormie, avec les yeux à moitié ouverts et les mains attachées pour éviter qu'elle n'arrache les tuyaux. Elle avait une énorme brûlure au niveau de la poitrine, causée par le massage cardiaque et le défibrillateur. Bien que les pompiers soient intervenus il y a une semaine, cela laisse imaginer la violence du massage cardiaque qui a permis de sauver Tina.
Sa mère s'est approchée d'elle pour lui dire que j'étais venu la voir. En un instant, Tina a commencé à bouger dans tous les sens et à tousser, s'étouffant à cause de sa salive. Je n'ai aucun souvenir précis de ma réaction, si je lui ai tenu la main ou si je lui ai parlé. Je voyais flou à cause des larmes qui refusaient de sortir, et mon cerveau s'était totalement éteint, comme si un instinct de survie s'était déclenché en voyant la personne que j'aime, totalement inconsciente et dont la survie dépendait uniquement de trois machines. En sortant de la chambre, j'ai complètement fondu en larmes, ces mêmes larmes qui reviennent en écrivant ce texte, mais cette fois avec plein d'espoir pour les progrès de Tina, qui est en rééducation et réapprend à marcher. Les médecins nous ont ensuite reçus dans une petite pièce pour nous informer qu'ils n'étaient pas très confiants et qu'ils ne savaient pas si elle était consciente, car elle ne réagissait pas toujours aux interactions. Ils ont évoqué des informations inquiétantes sur de possibles lésions cérébrales graves et irréversibles. À ce stade, nous ne savions même pas si elle pourrait un jour parler à nouveau (pour info : il lui a fallu plus de six mois pour retrouver la parole, et sa voix n'est toujours pas revenue à la normale).